lundi 23 avril 2012

Le facteur Chill & la raison


Part 2 : Musique normale


La musique normale nous a tous bouleversé à
certains moments de notre vie
Quand on écoute quelque chose de différent, à mon avis, il faut pas que ça nous perturbe trop. On choisit seulement, parfois, d'aller plus loin dans l'obscurité. C'est un autre facteur qui me fait aimer quelque chose, la familiarité que j'ai avec la musique.

Ça peut être que je veux devenir pote avec le leader. C'est le cas pour des gens comme Jonathan Richman, qui est maintenant tellement mon pote que je m'identifie à tout ce qu'il chante, tout le temps. Même pour des chansons comme "Homewrecker" (le titre est assez explicite), qui parlent d'expériences qui me sont inconnues, je le comprends. C'est intime, c'est mélodique, c'est expressif, et c'est un artiste vers lequel je me suis naturellement dirigé après avoir appris à aimer Adam Green ou les Moldy Peaches. Je ne connais pas forcément sa vie, ni son histoire, mais sa présence sur les vidéos que j'ai vu sur youtube et sa voix véhicule toute sa vie.

C'est ce qui m'amène un peu à penser que l'appréciation de certaines choses passe par paliers. On ne part pas de Balavoine pour aller directement vers Christian Death, pas moi en tout cas. C'est plutôt Balavoine/Hendrix/The Cure/Joy Division/Christian Death. C'est là que la période Dad Rock est, à mon avis, primordiale dans n'importe quelle "éducation" musicale. C'est accessible, il y en a autour de nous au collège ou au lycée, dans la discographie de nos parents (duh). À partir d'un moment, on s'écarte vers plus d'obscurité. Le dernier stade est sûrement la noise, mais je ne sais pas trop, je n'en suis pas là, c'est peut-être les chants grégoriens. Quand on entre dans le Dad Rock, après une enfance où on ne s'intéresse pas du tout à la musique (on l'apprécie, mais on ne l'adore pas) on est surpris, mais pas trop destabilisé.


En attendant, la fin de la période Dad Rock appelle à être bousculé dans ses habitudes d'écoute. On m'a parlé d'expériences avec le Shoegaze commençant en n'entendant que du bruit, puis par finir par discerner ce qui nous plaît dans ce gros "pfffrooooo". Mais la façon dont ça sonne est quand même très secondaire dans ce qu'on découvre en sortant du Dad Rock. On veut surtout marquer sa différence, l'appartenance à un groupe caché. GG Allin, en soi, c'est pas super. C'est très différent, mais c'est surtout dangereux. Et puis, à un moment, on se pose la question : "Est-ce que ce que j'écoute vaut vraiment le coup? Est-ce que j'écoute de la merde parce que c'est cool?"

"J'ai eu ce problême avec Daniel Johnston. Je me suis demandé si j'étais con d'aimer des choses aussi simples que ça, mal enregistrées. Si les émotions que je ressentais en entendant ça étaient réelles, si je n'étais pas qu'un petit con qui voulait se trouver une passion. Puis aujourd'hui, j'ai la réponse (la mienne) : rien ne vaut la peine d'être entendu. Il n'y a pas trop de choses à écouter. Le "surchoix", ça n'existe pas. On trouve des trucs, qui nous plaisent ou non, mais au final, ça n'a pas d'importance si on n'écoute pas la dernière merde qui vient de leaker. C'est vraiment dommage que la radio soit nulle, que toujours les mêmes chanteurs de merde tournent en boucle toute la journée. J'ai l'image de la radio comme quelque chose qu'on branche, puis qu'on apprécie, si on a de la chance. On est obligé de chercher la musique, et c'est vraiment pas pratique. Mais du coup, la recherche devient super intéressante, et tu peux en parler avec tout le monde, partager, ou continuer à écouter tout seul, dans son coin, ça n'a plus d'importance. Et qu'on soit orientés parce que un artiste est "cool", quelle importance? Toutes les musiques se valent, ça résonne seulement différemment selon qui l'écoute. J'essaie de garder en tête néanmoins qu'il faille que je sois un peu plus obscur que les autres, parce que c'est intéressant pour moi."

C'est un autre stade, à mon avis. Et je suis en plein dedans. Je ne fais pas de hiérarchie selon les genres, toutes les musiques ne se valent pas, mais seulement de mon point de vue. Écoutez du Math Rock, si vous voulez, je m'en fous. Ne me retirez pas le fruit de ma recherche.


Le facteur chill, là, prend une importance non négligeable. Parce que ce qui est chill, ce n'est pas forcément cool, mais ça destabilise. Pour revenir à Radiohead, je ne suis pas destabilisé en écoutant. C'est de la musique "normale", après toutes mes périgrinations sur internet. Mais c'est anormal pour moi d'écouter ce genre de trucs, alors je suis destabilisé. Je suis clair?

Toujours est-il que le facteur de la familiarité est difficile pour moi à définir. Je ne sais pas vraiment ce qui me rapproche de certains groupes, hormis le fait que je voudrais devenir comme eux (il y a beaucoup d'exemples, ça peut remonter très loin, avant la musique que je découvre sur internet). Ce n'est pas l'attraction sexuelle, parce que coucher avec le leader, ça signifie qu'on ne comprend rien à sa musique. Tout ça est peut-être trop compliqué, mais il faut régulièrement, selon moi, changer ses habitudes d'écoute. On peut être bouleversé par Brassens ou Bashung, et à mon âge, c'est presque normal. J'essaie d'être destabilisé dans l'autre sens, plus loin dans ce que je n'arrive pas à encore à saisir. Je ne sais pas vraiment quand je cesserai d'aimer ça.


vendredi 20 avril 2012

Aujourd'hui c'est 4/20 les amis !

En ce jour béni des stoners, Chill and Relevant vous dresse une liste d'album à écouter pour se sentir bien dans son bowl.

The Feelies - The Good Earth
Tout simplement le meilleur album à écouter en ce 20 avril. Tout doucement, la stoner-pop des Feelies t'embarque au dessus du sol et te fait traverser un paysage de mélodies simples, tout ce qu'il faut pour démarrer un marathon stoner. Même sobre, cet album te prend par la main et t'emmène au bout des champs, au bord du précipice. Là ou le ciel et la mer s'embrassent vers l'infini de l'horizon. Là où les oiseaux dansent sur le reflet des vagues alors que l'écume te caresse doucement les doigts de pieds. Je ne sais plus si tu es dans les champs ou sur la plage pour cette métaphore. I think i'm too high for this shit. 



Julian Lynch - Mare

Je m'étais promis de ne pas utiliser le mot "planant" dans cet article mais je sens que je ne vais pas réussir à m'en empêcher. Alors que la pochette pourrait faire partir n'importe qui dans un bad trip équestre assez épouvantable, Julian Lynch s'assied avec toi dans sa tente, vous faites des rondes, vous fabriquez des dreamcatcher et vous vous laissez pousser suffisamment les cheveux pour pouvoir faire des tresses. Non, ce n'est pas de l'homo-érotisme, c'est du hippie chillin'. Vous pouvez aussi écouter le split qu'il a fait avec Ducktails (le guitariste de Real Estate), parce que la pochette est très jolie et que la collaboration de ces artistes coule de source.


Balam Acab - Wander / Wonder


On retient sa respiration pour plonger dans cette gigantesque grotte bleu qu'est Wander / Wonder. Provenant du label Tri-Angle (avec How to Dress Well, Holy Other, et oOoOO), Balam Acab fait parti de cette lignée de producteurs qui emmerde pas mal les gens qui veulent apposer un genre à ce qu'ils écoutent. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c'est que cet album vous permet de respirer sous l'eau pendant 37 minutes. Vous avez aussi besoin de savoir que vous ne pouvez pas réellement respirer sous l'eau. Mec, sérieusement, t'es trop défoncé pour aller à la piscine. REPOSE CES PUTAINS DE PALMES.


Curren$y - Weekend at Burnie's


Your man smokin' good, i'm smoking great. Cette liste ne serait pas complète sans un album de hip-hop. J'ai hésité avec la mixtape Lost In Translation de Mr. Muthafuckin' eXquire mais c'est plutot du rap pour les gens qui se mettent cher au Jack Daniel's. Dans une interview pour le Pitchfork Festival, Curren$y avait dit que son public était beaucoup trop défoncé à ses concerts pour faire du crowd surfing, et rien que pour ça il mérite sa place dans cette liste. Et puis aussi parce que la pochette est parfaite, que son flow est cool et que l'album entier est une réussite. Même s'il a pas l'air de vouloir partager sa weed ou ses meufs, Curren$y donne un peu de street-cred à ma liste de petit blanc, et ça, c'est plutôt sympa.




Je vais m'arrêter là pour aujourd'hui, mais la liste continue jusqu'à l'infini. D'ailleurs, si t'as des suggestions, tu peux lâcher ton tchip dans les commentaires. Passe un super bon 4/20.

 (Et n'oublie pas d'éteindre ton four s'il est encore à préchauffer)

jeudi 19 avril 2012

La Sera - Sees The Light

Kickball Katy Goodman Vivian Girls


Les albums des Vivian Girls sont excellents.


Les Vivian Girls sont un groupe important pour moi, pas de doute là-dessus. Plongé en plein dans ma période lo-fi , je suis tombé sur le premier album Vivian Girls comme par un camé sur son dernier bout de crack. Leur album de garage sale et fiévreux m'a obsédé pendant un bon moment, et c'est avec délectation que j'ai pu les observer faire évoluer peu à peu leur sonorité. En passant par un Everything Goes Wrong magistral, les Vivian Girls ont choisi d'éclaircir peu à peu leur guitare pour sortir l'année dernière un Share the Joy qui fut reçu de façon plutôt mitigée (et par un gros "panning" de la bible pitchfork). Pour ma part, l'album était un (relatif) succès. Les Vivian Girls étaient parvenues à montrer qu'elles étaient capables de faire évoluer leur esthétique générale, tout en produisant des mélodies pop entraînantes qui fonctionnent. Pour d'autres, elles avaient vendues leur authenticité pour faire un album abordable.

En parallèle au Vivian Girls, les deux frontwomen se sont alors lancées dans des projets solos. Alors que Cassie Ramone se replongeait dans le garage avec The Babies, Katy Goodman (ou Kickball Katy) choisissait une approche plus pop avec La Sera tout en codant et publiant un jeu vidéo sur son site internetIl est clair que j'aime donc beaucoup ces filles et que je trouve plutôt injuste de les voir comparée à des groupes comme Best Coast ou les Dum Dum Girls alors que leur plus gros point commun consiste à avoir des seins et d'aimer la distorsion sur leurs guitares.




Mais, mourir, c'est bien ou pas ?

L'album de Katy Goodman fera très certainement plaisir à ceux qui minimisent les possibilités musicales des Vivian Girls. Même si l'album n'est pas foncièrement mauvais, c'est  parce qu'il laisse planer des mélodies un peu trop berçantes que l'on se laisse très rapidement irriter tout au long de l'album. Même si Goodman est attachée à cette esthétique lancinante et détachée qui parvient souvent à devenir peu à peu entêtante et obsédante, la frontière entre la paresse et la nonchalance commence à se faire de plus en plus mince. Même en étant un fanboy des chansons et les projets parallèles des Vivian Girls, le premier album de La Sera m'avait fait la même impression. De l'indie pop qui se fait trop inoffensive et téléphonée. 

L'album déraille dès la première chanson. Avec "Love That Gone", le moment est déjà perdu. L'arrangement fonctionne mal et la répétition se fait assez irritante même si Goodman joue dans un répertoire assumé cheesy-niais post-ironique qui avait fait sa réussite sur "Take It As It Comes". Mais la saine frustration que l'on avait pu ressentir autrefois derrière les yeux éteints de Kickball Katy s'évanouit au fur et à mesure de l'album. Après deux morceaux qui tentent, avec plus ou moins de succès, de ramasser les morceaux, on enchaîne avec "Break My Heart". Malgré un couplet très réussi, la chanson se casse la gueule dès le refrain, avec une mélodie de voix encore une fois franchement redondante. Et l'album continue de se perdre dans l’abysse de la platitude. Katy Goodman nous livre alors son cadavre sur un plateau, comme un gigantesque "je suis trop vieille pour ces conneries", Sees The Light est un testament. Et alors que Goodman avait pu nous pousser autrefois facilement au suicide, elle devient un négociateur maladroit, qui nous indique que, finalement, la vie ne vaut peut-être même pas  que l'on prenne la peine d'y mettre fin.

Bon ok, cette critique devient un peu #dark, mais c'est juste que j'essaie de comprendre ce qu'elle veut me dire avec cette album.  J'veux dire, vraiment Katy ? Tu veux voir la lumière ? C'est parce que t'en as marre qu'on te décrive toujours comme une meuf canon déprimée ? Peut-être que la dépression ultime, c'est la rédemption ratée tu ne crois pas ? Mais peut-être que la véritable tristesse, c'est la joie feinte et que c'est à moi de voir la lumière. Mais je n'ai pas la réponse à mes questions dans tes chansons Katy. Réponds-moi. Appelle-moi. S'il-te-plaît. J'aimerais comprendre.

De toute façon moi je m'en fous, je préfère Cassie. Elle au moins, elle est plus directe.

:'( :'( :'( :'( :'(

mercredi 18 avril 2012

Willis Earl Beal - Acousmatic Sorcery



C'est un album avec une bonne histoire. Acousmatic Sorcery est une compilations de chansons enregistrées sur un 4-pistes par Willis Earl Beal, "songwriter".
Lofi semble un terme assez pratique pour en parler, et j'ai eu peur pendant un moment de ne trouver que ça à dire. J'adore Daniel Johnston, Sebadoh et R. Stevie Moore, et Willis Earl Beal aurait pu être un mec sonnant à ma porte avec un énorme bouquet de fleurs ayant traîné par terre pour paraître authentique. Je ne pense pas que ce soit vraiment la peine que je retrace tout le parcours du mec, cet article le fait très bien si ça vous intéresse. Suis-je juste coupable d'aimer un disque parce qu'il a une histoire? On s'en fout un peu non? D'autant que, cet album, je l'ai découvert sur un imageboard sans beaucoup de description, alors, ma première écoute, comme beaucoup de mes premières écoutes, a été sans histoire.
Mais là, ça me semble assez important à préciser : il n'est pas un précurseur. Il a le privilège de jouer avec les codes, de pouvoir tromper le public cible afin de toucher les étoiles. Mais là, il n'invente pas grand chose, et le facteur originalité s'en va un peu. Depuis Lana Del Rey et Wu Lyf, je me méfie un peu des artistes à moitié mystérieux. Je n'ai pas trop envie de m'emballer, et de commencer à aimer quelque chose jusqu'au moment où tout le monde autour de moi l'aime, puis que quelqu'un arrive et, mécaniquement, me dise tout ce qui ne va pas avec cet album. Je pense de moins en moins qu'il obtiendra vraiment beaucoup de succès, mais il a quand même un peu ce genre de profil.

Enfin. Critique :

Acousmatic Sorcery sonne un peu cassé. Je suis assez habitué au son crado des cassettes, ce n'est plus « spécial » ou original. Alors, il reste les chansons, et j'aime bien ce que j'entends.
L'album débute dissonnant, déroutant. J'avais peur qu'on se moque de moi. Après, j'ai l'impression d'écouter Robert Johnson. Après, j'ai l'impression d'écouter Sebadoh. Après, je me rends compte qu'il est assez unique. Quand il rappe, ce n'est pas si mauvais pour moi, mais je ne m'y connais pas tellement en flow, j'ai lu des articles où des gens s'en moquaient, alors je le précise, au cas où. Evening's kiss est très belle, très simple, un peu Elliott Smith-y, pourtant je ne peux pas m'empêcher de trouver ça un peu répetitif. La mélodie reste dans ma tête, me fait sentir plutôt bien. C'est une des meilleures chansons de l'album pour moi, la plus conventionnelle aussi.
Je me perds un peu dans les paroles, avec des bouts de phrases poétiques bizarrement découpées, où je peux me raccrocher, qui me font sentir à ma place dans la tête de Willis Earl Beal. Et c'est là que je me dis que la qualité des enregistrements joue vraiment en sa faveur de l'artiste. Je ne m'attends pas à un superbe album studio de sa part, je ne le vois pas écrire 1990 ou Bakesale, mais je ne sais pas ce qui arrivera plus tard non plus(1).




Par contre, cet album perd de sa saveur au fil du temps. Il s'émousse. Maintenant, je ne l'écoute plus vraiment. Mais je sais que, la première fois, cette musique a pas mal marché sur moi. Acousmatic Society ne peut pas durer. Je ne me raccroche plus à rien maintenant. Tout me semble trop creux, trop parfaitement atonal, même si certaines chansons sortent du lot (trois chansons, à la fin de l'album, me font presque revoir mon jugement : Monotony, The Masquerade et My Resignation brillent et s'enchaînent de façon assez incroyable). Alors, maintenant, je voudrais bien voir ce qu'il va se passer après. Parce que pour l'instant, c'est une compilation, plutôt décousue, avec des hauts et des bas, et peut-être pas un « vrai » album. Et il y a, pour moi, un potentiel : des mélodies parfois intéressantes, une esthétique plutôt chill parce qu'un peu fausse, et une voix que j'aime vraiment beaucoup (cette vidéo, où on le voit, devant un mur, chanter d'une façon qui semble au bout de ses capacités est plutôt fascinante).
Mais il me reste un gros doute : est-ce que cet album, au final, est un peu... chiant?

En fait, après avoir aimé puis été déçu par mon impossibilité de retrouver ce que j'ai ressenti la première fois, j'ai surtout très très envie d'écouter Fugazi.

(1) Si on l'accompagnait d'instruments bien accordés, les chansons perdraient beaucoup de saveur, et ce n'est pas quelque chose que je peux dire de Daniel Johnston ou Sebadoh. Je ne sais pas si c'est une opinion de gros con, c'est pour ça que je la mets en note.

dimanche 15 avril 2012

Le facteur Chill & the Radioheads


Part. 1 : Radiohead

Le facteur chill, qui te fait aimer un groupe quand tu ne devrais pas et qui te fait écouter des daubes à côté de ça.

Je suis parfois coupable de télécharger des fichiers et de ne jamais les lancer. Pourtant, un film de merde, je le regarde instantanément. C'est toujours une impulsion, que je n'ai pas pour des oeuvres "importantes" que je me mets parfois à aimer très fort, sans prévenir. Aussi, j'achète des livres, et je ne les lis pas pendant très longtemps.

Mais la musique, c'est totalement différent. Parfois, je vois des articles sur des groupes que je pourrais aimer, et je ne m'en occupe pas. Je les mets dans une liste en pensant que je les oublierais un jour. Je me dis : ce n'est pas pour moi, je n'ai pas envie de m'identifier à tous ces gens là, il y a plein de choses à découvrir à côté. Pourtant parfois, je pioche dans la liste. Et c'est comme ça que j'ai écouté le dernier album de Grimes. Je ne la connaissais pas avant, on en parlait trop à mon goût, et ce n'est pas vraiment chill selon mes standards d'aimer ça. Et puis bon, quoi, il n'y a pas si longtemps je n'aimais pas trop Jeffrey Lewis, parce qu'il était trop fait pour moi, quirky et émotif. Toujours est-il qu'avant-hier j'ai acheté le dernier Jeffrey Lewis, et le dernier Grimes, et tous les deux sont fantastiques de deux façons différentes.

En haut de la liste se trouve Radiohead, que je suis à la fois très tenté d'aimer et de détester. Ce n'est pas du snobisme que de dédaigner un groupe en ne sachant pas pourquoi, ça n'a aucun sens ce genre de terme, il n'y a pas de gens snobs, ça n'existe pas dans mon monde, il n'y a que des gens comme moi qui n'aiment pas un groupe parce qu'ils n'ont pas envie d'aimer un groupe qui, au fond, est un peu énervant. Ça ne fait pas de moi de l'avant-garde, ni de l'arrière-garde, mais ça me met en marge, de la même façon que de ne pas regarder Bref me met à l'écart d'une conversation.
Quand j'aime un artiste, j'aime bien le comparer aux personnes que j'ai connue au collège. Radiohead c'est un peu un camarade de classe avec qui je n'ai pas envie d'échanger alors qu'on a été assis côte à côte pendant deux trimestres. Et c'est bientôt la fin de l'année, on ne s'est jamais parlé, puis je l'oublie. Et en ce moment, je me rappelle de lui, je me souviens qu'il a existé, et je n'oublierais jamais qu'il existe, parce qu'au lycée, une redoublante lesbienne adorait Radiohead et je le sais, parce que je l'ai doucement stalkée (je ne comprends plus mon analogie, c'est terminé, je pourrais dire que U2 fait du Rugby ou que Genesis mange de la terre).




La musique est à la fois quelque chose qu'on a pour soi et qui reflète l'image qu'on veut donner aux autres. J'aime la musique pour ce qu'elle est, mais je ne pourrais jamais totalement dissocier un groupe de ce qu'il dégage, chilll ou unchill.

La musique est un média beaucoup trop immédiat pour que je laisse une chance à un musicien avant de sauter directement à un autre dès que j'entends qu'ils ont un mauvais chanteur. Il y a des groupes qui grimpent lentement vers toi, jusqu'à ce que tu les comprennes et que tu les laisses éjaculer dans tes oreilles. 

Le facteur chill, lui, provoque tout d'un coup un amour pour un morceau qui est un peu indéfinissable, uniquement selon l'image que se donne l'artiste et les trois premières secondes d'un morceau. Avec les mp3, on peut s'immerger immédiatement dans la musique de quelqu'un. Je ne veux pas que toute la musique soit comme ça, je ne veux pas que les films soient tous comme ça, mais j'ai accepté que dès qu'un truc se dématérialise, il faut que ça se passe immédiatement. Et mon attention, pour la musique, selon les périodes, se dissipe extrêmement vite. Si c'est chill, j'écoute un peu plus attentivement. Pas assez chill, la tentation est forte de supprimer ce fichier que je n'ai échangé contre rien et qui n'a, du coup, aucune valeur.

Alors j'essaie d'être exigeant, et de ne pas écouter trop de choses sans les écouter, sinon on ne s'en sort plus. Radiohead, à force, deviendra peut-être quelque chose d'important pour moi. Il sera toujours là, au fond, et ça ne me gène pas de découvrir le truc après coup, vu que c'est déjà un groupe important. Mais c'est quoi un groupe important? Radiohead, The Cure, Aphex Twin, Joy Division, ces trucs-là, c'est pas si facile de les aimer, parce que ton père t'en parle parfois. Ton père a déjà eu ton âge, tu sais. Maintenant il n'aime plus son travail.

Est-ce qu'il aurait fallu écouter Radiohead plus tôt que demain?
Est-il « trop tard » en général? Ai-je oublié de vivre?
C'est fini, Grimes?
Faut-il écouter ses parents?
Parle-t-on déjà trop du collège et de nos parents sur Chill & Relevant? 


prochaine partie : familiarité, nouveauté, chillness, relevance

CHILL / UNCHILL / AVRIL 2012

Tous les mois, la rédaction de Chill and Relevant vous adresse les tendances chill et unchill. Pour que plus jamais vous n’ayez à revivre cet abominable été 2011, seul en marinière.


Les albums en Flac Les jardinets les mauvais traiteurs asiatiques buzz l'éclair Le mec de Perfume Genius

Les pigeons, les percings le crack la mort

Comment 9GAG a rendu la culture internet irrelevant.


Premier épisode : 4chan et Reddit, restons cool.


Je comptais faire un post plutôt court pour vous communiquer tout mon dédain pour 9GAG, et puis j'ai été obligé d'expliquer pourquoi. Ça prend du temps de se justifier.


Il parait que le monde change. En tant que jeune blogueur blanc et privilégié, mes soucis se résument à ce qu’il se passe devant mon écran d’ordinateur. Devant l’échec de ma vie sentimentale et la sensation de n’être qu’une adresse IP de plus dans cet océan de frustration qu’est Internet, il ne me reste plus que quelques faux problèmes pour pouvoir ressentir une ébauche d’émotion humaine. Je vais donc maintenant vous expliquer pourquoi 9GAG est en train de brûler tout ce qui m’était cher, au nom de l’argent et de la médiocrité intellectuelle.

Au commencement, il y avait 4chan. Une multitude d’imageboards anonymes au contenu puissant, véhicule d’une identité qui débouchait sur une culture propre. Une culture à la fois ouverte et exclusive, l’anonymat permettant d’être le plus abjecte et inhumain possible mais surtout le plus honnête. En tout cas, c’était surtout le cas pour /b/, le chan « Random » n’ayant pas de ligne éditoriale précise, il laissait place à un chaos assez jouissif. Les autres chans formant des communautés aussi riches que peuplées de débiles agressifs et géniaux (qu'on nomme « Anon ») autour de sujets variés comme la musique, les anime, les jeux-vidéos, etc. 4chan crachait sur ton ego en ces temps sombres de personal branding.

Puis il y eut reddit, un site regroupant une multitude d’aggrégateur de contenu de toute sorte. On poste un lien intéressant, et c’est à la communauté de voter en sa faveur ou non. Si vous êtes un bon posteur, votre lien se retrouve en première page et votre « karma » augmente. Sachant que le karma est une jauge n’ayant  aucune signification mais permettant une branlette assez puissante entre les différents redditors, on a pu observer un sacré glissement dans le contenu proposé par rapport à 4chan. Reddit est un 4chan en plus mielleux, plus gentil, plus ordonné. Son contenu est attractif mais on ne peux pas assister à la même spontanéité que sur l’imageboard américain  car le redditor cherche à être aimé des autres avant tout.


see a funny rage comic derpina le voldemort face
le voldemort face


Alors que sur 4chan, on ne se soucie pas de l’image que l’on pourra donner, les utilisateurs de reddit redoublent d’efforts pour être les mecs les plus marrants de la planète. Les redditors passent donc en général pour des gros niais. Si un redditor avait été dans ta classe au collège, il serait probablement celui que tu as fait pleurer une fois parce que tu ne voulais pas faire ton exposé sur Pompeï avec lui. Ce petit nerd socialement inadapté a alors été confronté à deux options : rejoindre Reddit et faire le beau gentil, ou 4chan pour brandir son sexe à la face du monde.


On peut comprendre cette différence en prenant l'exemple du récent meme "Ridiculously Photogenic Guy". Si vous passez autant de temps que moi sur Internet, vous n’avez pas pu le rater. Cette image apparaît sur Reddit avec pour titre « My friend calls him ‘Mr Ridiculously Photogenic Guy’ ».


Ridiculously Photogenic Guy Zeddie Little
Salut toi

Les utilisateurs pètent un plomb et l’image devient immédiatement un meme. L’emballement est tel que le fameux mec photogénique, de son vrai nom Zeddie Little finit sur le plateau de Good Morning America. Bref, je vais pas refaire l’histoire de ce truc, cette saloperie de Know Your Meme le fait mieux que moi.

Ce qui est intéressant ici n’est pas la vitesse de propagation du meme (quoi qu'elle est bien l’indication de la mainstreamification de la culture internet, mais j’essaie que ce texte soit un minimum structuré et c’est pas facile, on parlera de la mainstreamification en deuxième partie), mais plutôt le propos du meme. Car ce meme est un meme GENTIL. Et c'est bien un concept que reddit peut se vanter d'avoir inventer pour une fois. Plutôt que d'abaisser, de ridiculiser, ou de harceler leurs prochains, les redditors mettent sur un piédestal un homme car il est tout simplement charmant.

Pour la comparaison, il y a moins d’une semaine, les Anons de 4chan sont parvenus à faire croire à la police et à Fox News qu’un homme qui venait de tuer des policiers possédait des explosifs chez lui. Les policiers ont laissé sa maison brûler de peur d’une explosion. On peut dire que le thread a très rapidement dégénéré, mais ce n'est pas l'exemple le plus frappant pour exprimer le côté FUCKED UP de 4chan (coucou Mitchell Henderson, Jessi Slaughter et autres pauvres âmes perdues).

En résumé, pendant que reddit célèbre la beauté de Zeddie Little, 4chan brûle un mec. Et on est plutôt OK avec ça.

Dans le prochain épisode, je vous explique pourquoi il faudra tirer dans la bouche de ton pote qui visite 9GAG et qui utilise une trollface en photo de profil facebook après cette longue introduction décousue.

Bienvenue sur le site le plus chill de tous les temps

Kevin Barnes of Montreal is chill and relevant