mercredi 3 octobre 2012

James Kochalka, Superstar

Certains artistes sont tellement enthousiastes dans leur travail, qu'ils veulent trouver d'autres moyens de toucher leur public.

C'est malheureusement pas toujours trop super. Ricky Gervais, par exemple, a complètement maîtrisé le medium "sitcom", avec The Office, et a enregistré des podcasts incroyables avec Karl Pilkington et Stephen Merchant, The Ricky Gervais Show. Par contre, il se plante toujours un peu quand il s'agit de faire des longs-métrages : Il y a du coeur dans Cemetery Junction par exemple, mais le film traîne un peu de la patte ; ou alors il présente des one-man shows un peu trop légers.

C'est peut-être une histoire d'habitude : on est perturbés quand un artiste s'éloigne de ce qui fait qu'on l'a connu et adoré pour proposer quelque chose de différent. Mais je ne reviendrais pas sur les  spectacles de Ricky Gervais.

Alors, il y a aussi la démarche que les artistes prennent qui change. Ce qui marche chez moi, c'est l'enthousiasme. Quand je vois les dessins de Daniel Johnston, je me dis "ah oui, il FALLAIT qu'il dessine tout ça, c'est pas juste pour vendre plus de trucs". Parfois, tout ce que fait quelqu'un dans plusieurs médias se complète, comme un cerveau déplié et mis à plat dans un grand panorama. J'aime bien voir tout ce dont un artiste est capable, si il est vraiment nécessaire qu'il le fasse.

Beaucoup de musiciens peignent, mais j'ai du mal à déceler l'enthousiasme dans la peinture, et la peinture, ce n'est pas fait pour internet. Les comics et la musique, par contre, c'est carrément internet. Entre en scène James Kochalka.






James Kochalka fait partie des génies enthousiastes. C'est (principalement) un dessinateur de comics américain et une rock star. Il tient un carnet depuis 1998 où il écrit quotidiennement un strip sur quelque chose qui lui est arrivé : ça s'appelle American Elf, et c'est aujourd'hui le meilleur webcomic du monde. Il y parle de ses préoccupations, de sa famille et de ses états d'âme avec une naïveté désarmante qui s'écarte de l'autobiographie conventionnelle par le format et le ton utilisé, puérile mais raisonnable. C'est sensible, fragile, destructuré mais franchement parfait dans la continuité. Il m'a fait comprendre qu'il n'y avait pas besoin d'être méchant pour faire de la bande dessinée alternative. Ok, c'est pas mal d'être un peu sensible et d'avoir deux trois problèmes quand même.
Il est aussi connu pour des séries aussi chill que Monkey Vs. Robot ou SuperF*ckers, ou des bandes dessinées pour enfant comme Johnny Boo ou Pinky & Stinky. C'est un dessinateur alternatif, qui prêche que "craft is the enemy" et qu'il ne faut pas écouter les gens qui "savent" dessiner dans The Cute Manifesto, collection de manifestes sur les comics, ce qui fait de lui un Scott McCloud en plus chill (Scott McCloud est "raisonnablement chill").

Comme le dit ce gros con de Frank Miller :

He reminds me of me when I was six years old and I came into my mother’s kitchen with a bunch of sheets of typing paper folded over and stapled in the middle that were covered with drawings and I said “Mom this is what I’m going to do for the rest of my life.” I’ve learned a lot from people like Kochalka because they do stuff that shouldn’t work but does.

À côté de ça, James Kochalka est une rockstar qui appréhende la musique avec la même sincérité que dans ses comics avec son projet James Kochalka Superstar. Sans se poser de questions, il chante et ses copains jouent avec lui. Il chante sur tout ce qu'il a envie, avec le sourire et tout. Ses clips sont à peu près à l'opposé de ceux de The XX.






Il fait aussi des jeux vidéos, travaille sur une série adaptée de Superf*ckers à partir de sa maison dans le Vermont, qui sera publiée sur Youtube, avec un budget conséquent quand même. Supérf*ckers, c'est des adolescents super-héros qui vivent dans le terrain vague derrière la maison de James Kochalka, et qui disent beaucoup "fuck", qui fument de la bave de monstre et voyagent entre les dimensions. La série n'est pas encore sortie, mais je suppose que ça sera un très beau truc, même si bon, comme le dit l'auteur dans Talk about Comics :

I've needlessly fucked with some of the characters and situations from the book just so the original fans can say "Man, they fucking ruined it. The graphic novel was way better!" 

Of course, I was trying to improve it... but how can you improve mutherfuckin' perfection? Shit stain charlie, that's freakawhimper impossifuckable.


(I'm drunk)


La démarche d'essayer de couvrir le maximum de terrain dans son art touche beaucoup de gens comme moi, ayant toujours préférés être moyen à tout que d'exceller à une chose, étant persuadés que tout ça finira par se cristalliser en l'oeuvre d'art parfaite. Billy Childish s'illustre aussi bien dans la musique, la poésie, la peinture, et c'est toujours aussi bien. C'est même encore mieux, parce qu'on voit l'implication de cette personne dans tout ce qu'il fait, à investissement égal, sans cynisme.

James Kochalka fait un peu ça, parce que quand on voit tout ce qu'il a fait, on est content pour lui et pour soi-même. Il y a surtout une cohérence créative et une éthique qui rend son travail encore plus impressionnant.

Il a aussi récemment publié une vidéo sur son blog où l'on voit Maria Bamford (stand up, actrice dans Louie) chanter une chanson que Kochalka a composé pour Superf*ckers, avec ses dessins à lui, ses paroles à lui, sa série à lui. C'est une belle synthèse de ce qui le rend cool, avec Maria Bamford en plus. Et c'est comme ça que l'on devient le mec le plus chill.

Check out James Kochalka Superstar
Une interview de James Kochalka dans Write The Book, podcast

Il est assez peu traduit en français, mais on peut trouver le recueil d'American Elf chez Ego Comme X, ou encore Kissers, une belle histoire d'amour et de réconciliation que j'ai offert à ma soeur. Sinon, c'est Top Shelf en langue originale.

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